Qui es-tu, parle-nous de ton parcours ?
Je m’appelle Mélody Morelle-Caballéro, j’ai 25 ans. Après une licence d’anthropologie sociale à Toulouse, je suis arrivée à Dax dans le cadre d’un service civique pour faire de la médiation numérique auprès des seniors. À la suite de cela, je suis devenue maîtresse de maison dans un centre d’accueil d’urgence pour mineurs non accompagnés. Enfin, depuis décembre 2021, je suis conseillère numérique France Services au Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA) du Grand Dax. Le parfait compromis pour allier la médiation numérique aux problématiques liées à l’asile, sujets qui me touchent tout particulièrement.
Parle-nous de ton lieu de travail…
Le CADA accueille et héberge des demandeurs d’asile en attente d’une décision de leur demande d’obtention d’une protection internationale. Créé en 2017, l’établissement dispose d’une capacité d’accueil de 85 places.
Toute la partie « préparation de formations » se fait dans des locaux administratifs. C’est également là que nous recevons les demandeurs d’asile en amont. Ensuite, nous disposons d’une maison, à moins de 5 minutes à pied, où vont être donnés les cours et des ateliers. Nous souhaitions vraiment scinder la partie administrative de la partie apprentissage et loisirs.
Concrètement quelles sont tes missions ?
La première s’articule autour du CADA, auprès d’usagers demandeurs d’asile. Mon travail consiste à les former et à les faire monter en compétences numériques.
La deuxième, se concentre autour du dispositif « Rêve Elle Toi », où je suis en charge des BPI (bénéficiaires d’une protection internationale) et des primo-arrivants (étrangers en situation régulière), qui sont orientés vers nous par des prescripteurs locaux. Ce dispositif a pour but l’accompagnement vers l’insertion professionnelle. On y donne des cours de FLE (Français Langue Étrangère) et de numérique, préparés très étroitement, afin de créer de la cohérence au niveau des apprentissages et obtenir ainsi une meilleure cohésion.
Pour cela, j’ai construit tout un programme de formation avec des bilans intermédiaires et finaux afin de suivre les évolutions de chaque usager. Je crée également du contenu visuel et ludique adaptés aux différents contextes.
En équipe, nous agissons sur ces deux secteurs de façon totalement transversale. En effet, nous prenons toutes les décisions de manière collégiale. Nous échangeons énormément autour des différents dossiers afin que notre accompagnement soit le plus complet possible.
Enfin, j’interviens en soutien des autres salariés de la structure, qui compte aujourd’hui neuf employés.
Auprès de quel public interviens-tu ?
Auprès d’un public allophone, la problématique de base étant vraiment le langage. Il n’y a pas de profil type : familles, personnes isolées, etc. C’est assez hétéroclite, cependant nous visons une fréquentation de 70% de femmes pour 30% d’hommes pour le dispositif « Rêve Elle Toi».
De quel matériel disposes-tu au quotidien ?
Je dispose de tableaux interactifs, d’un ordinateur pour la préparation de mes cours, et enfin d’une dizaine d’ordinateurs Pin 40, mis à disposition des usagers durant les formations, et qui leur seront remis en dotation à la fin de leur parcours numérique.
Quel est le ressenti des usagers ?
C’est une réelle chance pour eux, ils ressentent beaucoup de gratitude à notre égard. Ils ont l’impression qu’à travers ce savoir, on leur offre un peu « le monde », et surtout la possibilité de s’intégrer durablement sur le territoire. La dématérialisation des démarches est un frein pour les demandeurs d’asile, car il y a une fracture numérique très importante, avec une forte barrière de la langue. C’est une double peine pour eux et nous sommes là pour leur venir en aide. La partie administrative est vraiment notre cheval de bataille, et nous nous battons tous les jours, en équipe, pour la rendre accessible au plus grand nombre.
Comment fais-tu pour rentrer en contact avec les usagers ?
Nos journées commencent par des transmissions dans nos locaux administratifs. Tous les matins, l’équipe se rejoint au complet et fait le point sur les dossiers en cours. C’est également le moment où les usagers viennent chercher leur courrier. C’est donc là, que nous nous croisons, que nous échangeons et que se créé du lien. Ma mission principale : les motiver et leur montrer ce qu’ils ont à y gagner. C’est d’ailleurs pour cela que les formations doivent être extrêmement ludiques, afin de ne pas les perdre en chemin.
Ton ressenti sur ton poste, sur les publics rencontrés ?
Ce travail représente tout ce dont je rêvais et je m’épanouie totalement dans chacune de mes missions. Je me trouve très chanceuse de faire partie de cette structure, de cette équipe. On me donne énormément de moyens, et la liberté de faire ce que j’estime nécessaire, à partir du moment où c’est pertinent et dans un but pédagogique. Il y a beaucoup de bienveillance et de confiance entre nous.
Notre force, c’est la solidarité, et cela se ressent sur l’accompagnement. Concernant le public, et même si je suis passionnée, il y a parfois des moments de doutes, mais je suis très épaulée par la professeur de FLE qui est un véritable pilier. Mon équipe est également d’un très grand soutien, surtout lorsque l’aspect culturel et les questions de normes rentrent en jeu. Nous ne pouvons pas nous adresser à nos usagers de la même manière que nous le ferions avec un public francophone. Il y a des codes à respecter. Il faut donc être très précautionneux sur les sujets que l’on traite et les images que l’on utilise.
Quel est le point fort de ton métier ?
L’aspect social/transversal qui en découle. C’est primordial.
Croiser les informations entre nous, permet un accompagnement plus complet. On évite ainsi de passer à côté de choses qui pourraient les brusquer, ou les freiner dans leur apprentissage.
Es-tu en contact avec d’autres conseillers numériques landais ?
Oui de manière quotidienne. Nous profitons de notre réseau en tant que conseiller numérique pour faire vivre l’ensemble du réseau local associatif et ainsi croiser les informations sur le département. Avec l’aide du réseau social le « Fil » et des réunions, nous dialoguons beaucoup et une belle solidarité s’est installée entre nous. Grâce à nos différents parcours, nous sommes tous complémentaires, et ça, c’est une véritable force sur le territoire landais !
Un dernier mot …
« La seule chose que tout le monde a en commun c’est la différence. Ainsi, la seule manière de réussir est l’inclusivité ».